(...)
Outre l’aspect
historique du lieu, j’avais vraiment besoin de faire cette visite car le
Corridor de Vasari est un lieu qui joue un rôle important dans « Le
Florentin de Beaune » : plusieurs chapitres s’y déroulent et de nombreuses
allusions y sont faites tout au long de l’intrigue.
Tel un rendez-vous
secret, le point de rencontre inscrit sur le voucher est fixé au 1, via de
Lamberti, premier étage. On demande même de sonner avant d’entrer… Mais où peut bien se
trouver cette via de Lamberti ? La veille, Google maps
m’avait indiqué qu’il s’agissait d’une rue du centre ville, perpendiculaire à
la via de Calzaioli, la grande rue commerçante qui va du Duomo à la Piazza
della Signoria. Pas de rencontre donc dans le parking désaffecté d’une banlieue
mal famée de Florence mais plus probablement au siège d’un tour operator spécialisé
dans ce style de visite !
Jusqu’à l’heure dite, j’erre dans les
rues, allant de boutique en magasin, tentant de suivre le trajet du Corridor de
Vasari par la rue, prenant encore et encore des photos de sa partie sur le
Ponte Vecchio, du contournement de la Tour des Manelli ou bien de sa portion
moins tourmentée de l’autre côté de l’Arno (voir plus loin).
Un peu avant 15
heures, le cœur battant la chamade, je parviens finalement au point de
rendez-vous. Pas besoin de sonner au premier étage puisque des employés (il
parait qu’on parle de collaborateurs de nos jours) du tour operator en
question attendent les clients dans la rue. Il faut décliner son nom et
présenter le voucher puis… attendre ! Enfin, nous finissons
par faire la connaissance de notre guide (excursion en langue anglaise
seulement) qui va nous faire entrer dans le corridor. Nous traversons à pied la
Piazza della Signoria en direction du Musée des Offices. C’est finalement par
une porte dérobée de la Via della Ninna, entre le Palazzo Vecchio et le musée,
que nous pénétrons dans le bâtiment des Offices. Auparavant, nous étions passés
sous un pont suspendu à une bonne dizaine de mètres au-dessus de nos
têtes : l’extrémité du Corridor de Vasari côté Palazzo Vecchio.
Nous rejoignons
l’intérieur du musée et escaladons la volée de marches qui nous
permet, comme c’est le cas pour chaque touriste, d’atteindre l’étage des
collections. Nous sommes encore dans la partie publique du musée. La première partie de la visite reste des plus classiques :
la guide nous fait parcourir les salles, s’arrêtant sur les œuvres les plus
célèbres de Botticelli, Vinci ou Raphaël. Il fait très chaud dans les salles et
le nombre de touristes empêche de s'approcher de la plupart des oeuvres. Pour qu’elle se fasse dans de bonnes conditions, la visite du musée des
Offices devrait pouvoir s’effectuer au plus tôt le matin…
Conseil
d'ami !
Au bout d’une heure,
nous atteignons le passage de la galerie qui surplombe l’Arno. Quelques mètres
plus loin, une grande porte blindée qui passerait presque inaperçue s’ouvre
devant nous : c’est l’entrée du Corridor de Vasari. A partir de ce moment,
il est interdit de filmer ou de prendre des photos. Notre groupe composé d’une
quinzaine de personnes est étroitement surveillé. Pendant que la guide nous
procure toutes les explications requises, deux gardiens du musée – l’un situé
devant le groupe, l’autre jouant le rôle de voiture balai – épie le moindre de
nos gestes suspects. La visite commence par un grand escalier en marbre d’une
trentaine de marches qui nous permet d’accéder au niveau inférieur. Au bas de
cet escalier, une première pièce éclairée par une fenêtre nous permet de
découvrir les premières œuvres du corridor, des peintures italiennes et
européennes des XVIIe
et XVIIIe
siècles. L’ambiance dans le corridor est assez surréaliste. Nous nous trouvons,
en effet, en plein cœur de l’une des villes parmi les plus touristiques
d’Italie avec ses milliers de visiteurs déambulant les ruelles et le silence
est, ici, presque total. A peine percevons-nous les échos sourds d’une
automobile ou quelques cris étouffés de groupes de touristes. La première pièce
aboutit à une seconde, plus petite, au bout de laquelle quelques marches nous
conduisent à la première grande section du corridor qui surplombe le quai des
Arquebusiers. C’est là que se poursuit (et se termine) la collection de
peintures réunie par le cardinal Léopold de Médicis (1617-1675) qui compte 730
peintures ainsi que des centaines de sculptures, de schémas et de portraits en
tout genre. Les gardes du musée veillent toujours sur nous : nous ne
sommes autorisés à faire des photos qu’à travers les sortes de hublots qui
donnent sur l’Arno et le Ponte Vecchio. Aucun compromis n’est possible…
A l’extrémité du Quai
des Arquebusiers, nous franchissons une porte blindée juste avant de bifurquer
sur la partie qui surplombe le Ponte Vecchio. C’est à ce niveau que débute la
zone la plus intéressante du Corridor de Vasari : la galerie des
autoportraits. C’est également au niveau de cet angle que se trouve la zone où
se déroule une partie de l’intrigue du « Florentin de Beaune », entre
les autoportraits d’Andrea del Sarto et de Baccio Bandinelli. Instant d’émotion
pour moi dans un lieu qui, finalement, ressemble assez à ce que j’avais pu
imaginer en consultant le net. Sur toute la partie de la galerie qui surplombe
le Ponte Vecchio, nous nous arrêtons sur de nombreux autoportraits
remarquables, dont certains ont des copies ou des équivalents dans d’autres
musées (Rembrandt par exemple) mais dont la plupart sont parfaitement inconnus.
Au milieu du Ponte Vecchio, une large baie vitrée permet de jouir d’une vue
panoramique sur l’Arno et le flot de touristes du Ponte Vecchio situé quelques
mètres en dessous. Cette large ouverture n’est pas d’origine. Elle a été commandée
par Mussolini afin de pouvoir accueillir des hôtes de marques dans le corridor,
parmi eux fut un certain Adolf Hitler…
A l’extrémité de la
section qui surplombe le corridor, nous devons emprunter un passage plus étroit
qui part sur la droite. Il s’agit d’une sorte de contournement d’une tour (la
Tour des Manelli). La légende veut qu’au moment de la construction du Corridor
de Vasari, les propriétaires de ladite tour ont refusé de se la voir amputée de
plusieurs mètres de haut pour le bon plaisir du duc de Toscane qui désirait
faire passer là son corridor. Il n’y eut pas d’expropriation et les Manelli
eurent finalement gain de cause : le corridor ferait donc un coude et
contournerait la tour avant de reprendre son tracé rectiligne en direction du
Palais Pitti. La suite de la collection propose de nouveaux autoportraits d’artistes
plus ou moins célèbres. Peu après avoir franchi un passage qui surplombe la rue
d’une dizaine de mètres (mais on ne s’en rend pas compte dans le corridor), on
parvient au niveau de deux petites lucarnes sur notre gauche qui donnent
directement à voir l’intérieur de la petite église Santa Felicita. La légende
veut que, par cet intermédiaire, les Médicis pouvaient assister à une messe
sans être vu des autres. Paranoïa ? Aspect pratique ? Espionnage de
leurs sujets dans le but d’éprouver leur piété ? Impossible à savoir de
manière certaine !
L’extrémité du
corridor se profile au bout de plus de deux heures d’une visite ponctuée de
nombreux arrêts devant les œuvres de Rembrandt, Chagall ou encore d’autres
artistes connus. Drôle de musée que ce couloir aux murs remplis de tableaux
tous plus beaux les uns que les autres. C’est, à la fois, une sorte de parcours
initiatique en surplomb des rues de Florence, une plongée dans le temps
privilégiée, une pénétration dans ce qui représente un véritable mythe en plein
cœur de la capitale de la Renaissance. La sortie se fait au niveau d’une porte
parfaitement anodine située à côté d’une fontaine rococo dans le jardin, de
Boboli. Le corridor se poursuit sur encore quelques dizaines de mètres au-dessus
de nous, juste le trajet nécessaire pour rejoindre le Palais Pitti. Au final,
une bien belle visite, un peu chère mais hautement symbolique pour moi étant
donné l’importance su lieu dans le « Florentin de Beaune ».
La tête encore pleine
de souvenirs, je reprends mon cheminement en sens inverse, depuis la roue cette
fois, tentant de repérer chaque détail du corridor visible depuis l’extérieur.
Je revois l’église Santa Felicita, la tour des Manelli, la section située au
dessus du Ponte Vecchio, le quai des Arquebusiers.
Extrait
du récit de voyage à Florence en juillet 2011
(...)
Au bout de l’alcôve
déjà très fréquentée en ce début de matinée, nous bifurquâmes à droite pour
rejoindre l’autre aile du musée. Nous nous trouvions au-dessus de la triple
arche que nous avions franchie lors de notre promenade de la veille. Par un
coin de fenêtre, j’entrevis le Ponte Vecchio surmonté du grand corps de
bâtiment ocre aux tuiles rouges du corridor de Vasari. Cristina Basicini stoppa
net sa course à travers le musée.
- Nous y sommes.
La directrice des
Offices se dirigea alors vers une porte blindée encadrée, à gauche, par un
buste de Marc Aurèle et, à droite, juste avant l’entrée de la salle 34, par un
marbre en pied de Mercure. Elle s’approcha d’un petit appareil en forme de
loupe scellé sur la porte à hauteur de visage. Une imperceptible source
lumineuse bleutée apparut au centre de la lentille lorsque Cristina Basicini
approcha son œil droit du dispositif. Un premier voyant rouge passa au vert. Le
second voyant imita le premier une fois un code à huit ou neuf chiffres – je
n’eus pas le temps de compter – discrètement composé sur le clavier intelligemment
dissimulé derrière Marc Aurèle.
- Triple sécurité, nous
expliqua-t-elle alors. Code secret et reconnaissance d’empreinte rétinienne.
- Cela ne fait que
deux, commentai-je un peu vite.
La directrice me sourit
avant de désigner du regard la discrète caméra vidéo encastrée au plafond.
Autour de nous, des visiteurs profitaient de quelques unes des merveilles des
Offices sans imaginer ce qui nous attendait.
- Prego !
nous invita la Signora Basicini.
Derrière la porte
blindée qui se referma sur nous dans un claquement métallique dont l’écho
résonna longuement, nous nous retrouvâmes au sommet d’un escalier monumental en
marbre dont nous ne pouvions distinguer l’extrémité. Notre guide jugea opportun
de nous expliquer ce qui nous attendait.
- Le corridor commence
juste en bas de cet escalier. Une soixantaine de marches à descendre et nous y
serons.
A moitié rassuré,
j’emboîtai le pas de Chris, lui-même précédé par la directrice. J’en profitai
pour jeter un œil aux portraits accrochés au mur. L’endroit était étonnement
calme, loin de la foule qui grouillait dans le musée des Offices pourtant situé
à seulement quelques mètres de là. Au pied de l’escalier, nous prîmes à gauche
sans nous attarder sur une toile de Gerris Van Honthorst dont l’exemplaire
maîtrise du rendu de la lumière perçant l’obscurité n’était pas sans rappeler
celle de Caravage. Un second virage à droite nous permit enfin d’entrer dans la
zone qui surplombait le quai des Arquebusiers. A travers les fenêtres
mi-closes, j’aperçus l’Arno qui coulait paisiblement une quinzaine de mètres en
contrebas. De part et d’autre du couloir par lequel nous étions arrivés, le corridor
s’étendait dans une sorte de semi-obscurité à la fois apaisante et angoissante.
- Sur la gauche, nous
indiqua la soprintendente, le corridor rejoint le Palazzo Vecchio. Quant
à nous, c’est à droite que nous allons. Suivez-moi, je vous prie. (...)
Le
Florentin de Beaune, chapitre 6
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